Avoir un chat met-il vraiment en péril la biodiversité ? Ce que disent les experts

Ils dorment sur nos coussins, peuplent nos fils Instagram et ronronnent comme des dieux vivants. Pourtant, derrière cette tendresse féline se cache un rôle bien plus controversé. Le chat domestique, aussi discret soit-il, soulève des questions chez les naturalistes : et si ce chasseur-né contribuait, sans le vouloir, à la disparition de la petite faune ?

Une relation vieille de 10 000 ans

Pour comprendre notre lien avec les chats, il faut remonter loin, jusqu’au Croissant fertile, cette région qui a vu naître l’agriculture. Quand les premiers humains ont commencé à stocker du blé, les rongeurs ont accouru. Et avec eux, un prédateur inattendu : Felis silvestris lybica, le chat sauvage d’Afrique. Opportuniste, il s’est rapproché des villages et a trouvé un intérêt clair à cette cohabitation. L’homme aussi.

Ce pacte silencieux, vieux de dix millénaires, perdure encore aujourd’hui. Le chat ne vit plus dans les greniers, mais dans nos salons ; il ne chasse plus les souris pour survivre, mais souvent par instinct. Pourtant, notre environnement n’est plus celui d’hier. Les écosystèmes fragilisés n’ont plus les moyens de supporter cette pression supplémentaire, même si elle vient d’un animal domestique.

Des chasseurs discrets… mais redoutables

Le problème, c’est qu’un chat en apparence paisible peut se transformer en redoutable prédateur. Dans mon jardin, il ne se passe pas une semaine sans qu’un lézard, une musaraigne ou une mésange ne croise la route de notre félin. J’essaie de le distraire, de l’éloigner, mais il est têtu, concentré, patient. Et surtout, il a l’instinct du chasseur.

chat et oiseaux

Ce comportement, très documenté, n’a rien d’exceptionnel. Selon une étude de l’INRAE, un chat domestique tue en moyenne 30 à 50 proies par an, et parfois bien plus. Sur l’ensemble du territoire, cela représente des millions d’oiseaux, de reptiles, d’insectes ou de petits mammifères, dont certains sont déjà menacés par l’urbanisation ou l’agriculture intensive.

Un impact écologique souvent sous-estimé

L’impact des chats est particulièrement visible dans les zones sensibles, comme les îles ou les campagnes. Sur certaines îles du Pacifique, leur introduction a conduit à l’extinction d’espèces endémiques. Mais même dans nos jardins, les haies bocagères ou les friches, ils jouent un rôle non négligeable dans la raréfaction de certaines espèces.

Ce constat est souvent relativisé en ville, où la faune sauvage semble moins présente. Mais c’est justement dans les milieux semi-naturels — les jardins, les vergers, les abords de forêt — que se réfugient les derniers représentants de la petite faune ordinaire. Et ce sont là que les chats opèrent, en toute discrétion.

Des chats plus carnivores qu’on ne le pense

Et ce n’est pas tout. L’impact environnemental des chats ne s’arrête pas à leur comportement de chasse. Leur alimentation industrielle, souvent composée de bœuf, de poulet ou de poisson, contribue à elle seule à un déséquilibre mondial. Si les chats et les chiens formaient un pays, ils seraient, selon une étude de l’université de Californie, le cinquième plus gros consommateur de viande au monde !

chat et oiseau

Ajoutez à cela les impacts liés à l’élevage intensif (émissions de gaz à effet de serre, pollution de l’eau, déforestation), et le tableau devient plus complexe encore. Le chat domestique, aussi attendrissant soit-il, participe — malgré lui — à une pression écologique multiple.

Repenser notre rapport au « sauvage »

Ce n’est pas une attaque contre les chats. Le mien, comme tant d’autres, ne fait que suivre ses instincts. Le vrai problème, c’est notre regard : pourquoi tolère-t-on si facilement les ravages d’un animal de compagnie, et si difficilement ceux d’un animal sauvage ? Un lynx est vu comme une menace pour les élevages ; un chat, comme un membre de la famille.

En France, on compte près de 15 millions de chats domestiques, contre seulement quelques centaines de lynx. En Suisse, il y aurait un chat sauvage pour 2 000 chats domestiques. Cette disproportion révèle quelque chose de notre époque : une empathie sélective, qui fait passer la chouette effraie ou la couleuvre à collier au second plan derrière le chat de la maison.

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